Introduction
L’investissement socialement responsable (ISR) a connu une expansion remarquable au cours des cinq dernières années, attirant une attention croissante de la part des investisseurs et des entreprises. Les bouleversements climatiques et les mouvements sociaux ont exacerbé notre conscience des enjeux collectifs. Ces perturbations profondes ont mis en lumière l’Investissement Socialement Responsable (ISR) créé à l’occasion de la COP21 de 2015.
Définition et Principes de l’ISR
Ces fonds sont donc basés sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (dits critères ESG), qui constituent les trois piliers de l’analyse extra-financière :
- Le critère Environnemental tient compte de la gestion des déchets, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la prévention des risques environnementaux.
- Le critère Social prend en compte la prévention des accidents, la formation du personnel, le respect du droit des employés, la chaine de sous-traitance (supply chain) et le dialogue social.
- Le critère de Gouvernance vérifie l’indépendance du conseil d’administration, la structure de gestion et la présence d’un comité de vérification des comptes.
En adhérant à ce sigle international, bon nombre d’investisseurs pensent réduire leur performance avec de tels critères. Cependant, par l’engouement suscité, ces placements durables battent parfois leurs équivalents généralistes. Les performances diffèrent de 2% aux Etats-Unis et de 6,3% en Europe entre les indices MSCI et ceux estampillés ISR.
En 2024, environ 30% des actifs sous gestion mondiaux étaient investis selon des stratégies d’ISR.
Croissance et Statistiques
Une croissance graduelle, l’ISR représentait environ 10% des actifs sous gestion mondiaux en 2019. En 2021, ce chiffre avait augmenté à 15%. Aujourd’hui il représente 20% des actifs sous gestion.
En 2019 toujours, trois milliards d’euros de souscriptions pour des placements solidaires ont été enregistrés, l’encours de ces placements a connu une croissance de 24% pour atteindre 15,6 milliards d’euros pour les particuliers.
Le marché français dénombre plus de 700 fonds à caractère de développement durable dont 508 sont labellisés ISR. Leurs encours globaux s’élèvent à près de 300 milliards d’euros (dont 200 milliards pour ceux labellisés au 31 décembre 2019).
Ces fonds ont su être résilients face la crise notamment par l’absence des secteurs durement touchés qui ne respectent pas les critères ESG tels que l’énergie, l’aéronautique et l’automobile. Ces placements profitent même du rebond post-Covid grâce aux industries de la santé et de la technologie.
Une adoption massive entre 2022 et 2024, les actifs sous gestion en ISR ont bondi à 30%, soutenus par une réglementation plus stricte et une demande accrue des investisseurs.
Facteurs clés d’évolution
Ces dernières années, on assiste à une sensibilisation accrue aux enjeux ESG. Cette prise de conscience croissante découle de la reconnaissance de l’impact significatif que les entreprises et les investisseurs peuvent avoir sur la durabilité de notre planète, sur les conditions de travail, sur l’éthique des affaires et sur la responsabilité envers les parties prenantes.
Les investisseurs, les entreprises et les consommateurs sont de plus en plus conscients de leur rôle dans la création d’un avenir plus durable, ce qui se traduit par une demande croissante de transparence, de responsabilité et de pratiques commerciales éthiques. L’engagement envers les enjeux ESG est désormais considéré comme un élément essentiel de la stratégie d’entreprise, et il est devenu un moteur puissant du changement positif à l’échelle mondiale. Les préoccupations ESG ont été citées comme un facteur clé de décision d’investissement pour 70% des investisseurs en 2023.
Le cadre réglementaire et les politiques de soutien jouent un rôle essentiel dans la gouvernance économique et sociale d’un pays. Ces instruments gouvernementaux sont conçus pour encadrer les activités économiques, protéger les droits des citoyens, et stimuler le développement durable. Un cadre réglementaire solide assure la conformité aux lois et réglementations, garantissant ainsi un environnement commercial équitable et transparent. Parallèlement, les politiques de soutien sont élaborées pour promouvoir la croissance économique, soutenir les secteurs prioritaires, et atténuer les inégalités sociales.
Ensemble, ces outils contribuent à façonner l’environnement économique d’un pays, influençant la manière dont les entreprises opèrent, les investisseurs prennent des décisions, et les citoyens bénéficient de services essentiels tels que l’éducation, la santé et la protection de l’environnement. Un cadre réglementaire bien calibré et des politiques de soutien efficaces sont donc cruciaux pour garantir le bien-être de la société et la stabilité économique à long terme. Plus de 50% des pays de l’OCDE avaient adopté des politiques de soutien à l’ISR d’ici fin 2023.Les innovations financières ISR (Investissement Socialement Responsable) ont révolutionné la manière dont les investisseurs abordent leurs placements. Ces avancées ont permis d’intégrer davantage de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance dans les décisions d’investissement. Parmi les innovations notables, on trouve l’émergence de produits financiers tels que les fonds indiciels ESG (Environnement, Social, Gouvernance) qui permettent aux investisseurs de constituer un portefeuille aligné sur leurs valeurs éthiques. Les obligations vertes et les obligations sociales ont également gagné en popularité, mobilisant des capitaux pour des projets à impact positif. De plus, les technologies de pointe telles que l’analyse de données et l’intelligence artificielle ont permis d’améliorer la gestion de portefeuille en identifiant les entreprises qui excellent en matière de durabilité. Les innovations financières ISR jouent donc un rôle crucial dans la promotion d’une finance plus responsable et dans la contribution au développement d’une économie durable. Le marché des obligations vertes, un segment clé de l’ISR, a vu sa valeur tripler, passant de 200 milliards de dollars en 2019 à environ 600 milliards de dollars en 2024.
Impact sur les marchés et les entreprises
Transformation des marchés financiers : les fonds ISR représentaient plus de 35% des fonds nouvellement créés en 2023, une hausse significative par rapport à seulement 15% en 2019. Changement dans les stratégies d’entreprise : en 2024, plus de 60% des entreprises du Fortune 500 avaient intégré des critères ESG dans leurs stratégies d’entreprise, contre seulement 30% en 2019.
- Mesure de l’impact: malgré les progrès, seulement 40% des investisseurs ISR exprimaient en 2024 une satisfaction quant à la mesure précise de l’impact de leurs investissements.
- Greenwashing: environ 25% des produits se revendiquant ISR en 2023 ont été critiqués pour des pratiques de « greenwashing ».
- Avenir de l’ISR: les projections indiquent que les actifs sous gestion ISR pourraient atteindre 50% de l’ensemble des actifs mondiaux d’ici 2030.
Différentes études menées par Lyxor AM ou Amundi AM démontrent un surcroît de rendement de plusieurs pourcents entre les actions ayant une « bonne » et une « mauvaise » notation ESG. La Financière de l’Echiquier indique même « qu’en dix ans, les 40 valeurs européennes les mieux notées en termes de critères ESG progressent de 268% contre « seulement » + 71% pour les 40 les moins bien notées ». Les investisseurs semblent donc délaisser les entreprises qui décident d’ignorer les critères SRI (Socially Responsible Investing). L’accueil favorable des investisseurs pour ces placements encourage les sociétés à poursuivre des stratégies durables accentuées sur de bonnes pratiques ESG (Environnementales, Sociales et de Gouvernance).
Le Green Deal (pacte vert européen)
Le Green Deal est une initiative majeure de l’Union européenne visant à transformer l’économie européenne pour la rendre plus durable et respectueuse de l’environnement. Le Green Deal a été annoncé en décembre 2019 comme la feuille de route de l’UE pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Les principaux objectifs du Green Deal sont les suivants :
- Neutralité carbone d’ici 2050 : l’UE vise à réduire ses émissions de gaz à effet de serre à zéro net d’ici 2050, ce qui signifie que toutes les émissions produites devraient être compensées par des mesures d’absorption de dioxyde de carbone, comme la plantation d’arbres.
- Économie circulaire : promouvoir l’économie circulaire en minimisant le gaspillage et en encourageant la réutilisation, le recyclage et la durabilité des produits.
- Biodiversité : lutter contre la perte de biodiversité en adoptant des mesures pour protéger et restaurer les écosystèmes naturels.
- Réduction de la pollution : réduire la pollution atmosphérique, hydrique et des sols, ainsi que la pollution plastique.
- Transition énergétique: accélérer la transition vers les énergies renouvelables et améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments et des industries.
- Mobilité durable : encourager des modes de transport plus durables, tels que les transports en commun, le covoiturage et les véhicules électriques.
- Numérisation verte : promouvoir l’innovation technologique et numérique pour soutenir la transition écologique.
Le Green Deal est un plan ambitieux qui vise à intégrer la durabilité dans tous les aspects de la politique et de l’économie européennes. Il mobilise des investissements importants pour financer cette transition verte et encourage la coopération internationale pour lutter contre les défis mondiaux liés au changement climatique.
Engagements de la COP26
La COP26, qui s’est tenue à Glasgow en 2021, a été un événement clé dans la lutte mondiale contre le changement climatique. Plusieurs décisions et engagements ont été pris lors de cette conférence. Voici quelques-uns des points saillants :
- Objectif 1,5°C : les pays ont réaffirmé leur engagement envers l’objectif de limiter le réchauffement climatique mondial à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels, plutôt que 2°C. Cet objectif est considéré comme crucial pour éviter des conséquences climatiques graves.
- Réductions des émissions : certains pays ont renforcé leurs engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les contributions nationales mises à jour, appelées « contributions déterminées au niveau national » (NDC), ont été soumises par plusieurs nations.
- Financements climatiques : des engagements financiers ont été pris pour soutenir les pays en développement dans leurs efforts d’adaptation aux changements climatiques et de réduction des émissions. Les pays développés ont promis d’augmenter le financement climatique afin d’atteindre l’objectif de 100 milliards de dollars par an.
- Déclaration sur les forêts : un engagement visant à mettre fin à la déforestation mondiale d’ici 2030 a été annoncé. Cela inclut des initiatives pour mettre un terme à la conversion des forêts en terres agricoles et à l’importation de produits liés à la déforestation.
- Accord sur le méthane : plus de 100 pays ont soutenu un accord visant à réduire les émissions de méthane d’au moins 30 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2020.
Ces points représentent quelques-unes des décisions prises lors de la COP26, mais il est important de noter que la mise en œuvre effective de ces engagements nécessite un suivi continu. Les résultats de la COP26 reflètent l’état des négociations et des efforts internationaux en matière de changement climatique à ce moment-là.
Exemple de société engagée : Air Liquide
Air Liquide est une société française spécialisée dans la production et la distribution de gaz industriels et médicaux, ainsi que dans les services connexes. Fondée en 1902, elle est devenue l’une des principales entreprises mondiales dans son secteur, avec une présence dans plus de 80 pays et des milliers d’employés à travers le monde. Voici quelques raisons pour lesquelles Air Liquide est souvent considérée comme un bon exemple d’investissement ISR (Investissement Socialement Responsable) :
- Contribution à la transition énergétique : Air Liquide s’engage à jouer un rôle clé dans la transition énergétique en fournissant des gaz et technologies qui sont essentiels à de nombreuses industries vertes. Par exemple, l’entreprise produit de l’hydrogène propre, un vecteur énergétique important pour l’électrification des transports et la décarbonation de l’industrie.
- Gestion responsable des ressources : l’entreprise a mis en place des programmes visant à améliorer son efficacité énergétique et à réduire son empreinte carbone. L’entreprise s’efforce également de promouvoir une utilisation responsable des ressources naturelles.
- Engagement envers la sécurité et la santé : en tant que fournisseur de gaz médicaux et industriels, Air Liquide est fortement impliquée dans la sécurité et la santé de ses employés et de ses clients. L’entreprise met en place des politiques strictes pour garantir la sécurité de ses opérations et de ses produits.
- Diversité et inclusion : Air Liquide valorise la diversité et l’inclusion au sein de son personnel et s’efforce de créer un environnement de travail équitable et inclusif. Cela contribue à renforcer la réputation de l’entreprise en tant qu’employeur responsable.
- Gouvernance d’entreprise solide : le groupe a une gouvernance d’entreprise solide avec des mécanismes de contrôle interne et de transparence. Cela rassure les investisseurs quant à la stabilité et la responsabilité de l’entreprise.
- Innovation et R&D : Air Liquide investit dans la recherche et le développement pour développer des technologies plus propres et plus efficaces. Ces efforts peuvent avoir un impact positif sur la durabilité environnementale à long terme.
- Engagement envers les parties prenantes : L’entreprise s’efforce d’entretenir des relations positives avec ses clients, ses employés, ses actionnaires et d’autres parties prenantes. Cela peut contribuer à réduire les risques liés à la réputation et à favoriser la croissance durable de l’entreprise.
En résumé, Air Liquide est un exemple d’entreprise qui intègre des considérations sociales, environnementales et de gouvernance dans sa stratégie commerciale, ce qui en fait un choix attractif pour les investisseurs ISR. En investissant dans des entreprises qui adhèrent à ces principes, les investisseurs peuvent soutenir des entreprises qui cherchent à avoir un impact positif sur la société et l’environnement tout en visant la rentabilité financière à long terme.
Conclusion
L’ampleur et la complexité des enjeux environnementaux incitent à se positionner sur ces critères. L’accord de Paris de 2015 couplé aux nouvelles réglementations environnementales amènent à une vision de long terme. La COP21 avait notamment abouti sur un plan de financement durable pour la lutte et l’adaptation aux changements climatiques des pays en voie de développement. Avec une chute vertigineuse du coût des énergies propres en seulement 10 ans, celles-ci concurrencent aujourd’hui les énergies fossiles. L’agence internationale pour les énergies renouvelables certifie que l’hydroélectricité est la source d’énergie propre la moins chère, suivie par l’éolien terrestre et le solaire photovoltaïque. Avec une croissance constante et des impacts significatifs sur les marchés financiers et les stratégies d’entreprise, l’investissement socialement responsable se positionne comme un pilier essentiel de l’investissement moderne. Cette évolution, soutenue par des chiffres clés, témoigne de l’engagement croissant envers des investissements plus éthiques et durables.
Sur les quatre dernières années l’indice SP500 ESG a légèrement surperformé son homologue classique, affichant une performance de +45%. Il a effectué un nouveau plus haut historique cette année, là où le SP500 lui est bloqué.
On peut donc se poser la question suivante : est-ce que les contraintes ISR sont bénéfiques aux entreprises ?
Réalisé par Marc Dagher avec l’aide d’Artur Blouet
Article initialement publié sur DT Expert