©Getty – Johnnie Izquierdo for The Washington Post
L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, en novembre 2024, a provoqué un véritable choc sur le marché des cryptomonnaies, en particulier pour le Bitcoin. Alors que l’ancienne administration Biden avait initié un cadre réglementaire strict, la nouvelle donne politique laisse présager un environnement plus favorable aux cryptos. Dans le même temps, l’adoption mondiale du Bitcoin et les évolutions techniques — comme le halving d’avril 2024 — continuent de remodeler l’écosystème. Et alors que certaines nations, comme le Salvador, ont tenté de faire du Bitcoin une monnaie légale, les défis demeurent nombreux.
Le virage spectaculaire de Donald Trump
Il y a quelques années encore, Donald Trump traitait le Bitcoin d’« arnaque ». Pourtant, dans sa campagne de 2024, il a changé radicalement de posture, promettant de mettre fin à la « croisade anti-crypto » de l’administration précédente. Sa proposition phare ? La création d’une “Strategic Bitcoin Reserve”, sur le même modèle des réserves pétrolières, destinée à renforcer le leadership économique et monétaire des États-Unis.
Source: https://corpgov.law.harvard.edu/2019/08/06/a-roadmap-for-president-trumps-crypto-crackdown/
À retenir :
- Avant 2024 : Une méfiance à l’égard de la cryptomonnaie, perçue comme une menace pour le dollar.
- Campagne 2024 : Un virage à 180°, avec l’annonce d’un cadre pro-crypto et la volonté de capitaliser sur le BTC détenu par l’État.
- Objectif de la campagne: Accroître la compétitivité américaine sur la scène internationale tout en sécurisant une partie des actifs numériques.
Un effet immédiat sur le cours du Bitcoin
Au lendemain de l’élection (6 novembre 2024), le cours du Bitcoin a bondi au-delà des 75 000 $, marquant un nouveau record historique.
Les jours suivants ont confirmé cette tendance haussière :
- 11 novembre 2024 : le BTCl dépasse la barre des 80 000 $.
- 13 novembre 2024 : il franchit les 90 000 $.
- 21 novembre 2024 : e seuil symbolique des 100 000 $ est franchi.
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Les investisseurs tablent sur un allègement de la réglementation et un soutien accru des institutions. Les perspectives d’une réserve stratégique nationale renforcent l’idée que l’État pourrait jouer un rôle de « baleine » (grand détenteur) sur le marché, favorisant la stabilité et l’attrait pour la cryptomonnaie.
L’importance du nombre d’utilisateurs de cryptomonnaies
En parallèle, l’adoption mondiale du Bitcoin s’est accélérée ces dernières années :
- 580 millions d’utilisateurs de cryptomonnaies fin 2023, selon Crypto.com, soit une hausse de 34 % par rapport au début de l’année.
- Aux États-Unis, on estimait à 46 millions le nombre de personnes détenant des cryptomonnaies en 2022.
Malgré les mesures jugées restrictives de l’administration Biden, la croissance de l’adoption s’explique par l’intérêt grandissant des entreprises (paiements, placement de trésorerie) et des particuliers en quête de diversification ou de rendement.
Le halving d’avril 2024 : un facteur clé de la rareté du BTC
Le Bitcoin est programmé pour réduire de moitié la récompense accordée aux mineurs environ tous les quatre ans, lors d’événements appelés halvings. Le plus récent est survenu en avril 2024, faisant passer la récompense de 6,25 BTC à 3,125 BTC par bloc miné.
- Offre maximale : 21 millions de BTC, dont environ 19,44 millions déjà minés à ce jour.
- BTC perdus : on estime qu’environ 20 % des Bitcoins seraient irrécupérables (clés privées perdues), ce qui réduit d’autant plus l’offre réelle en circulation.
- Pression haussière : chaque halving limite l’afflux de nouveaux BTC sur le marché, ce qui peut contribuer à faire grimper le prix, surtout si la demande reste soutenue. De plus, le prix de l’électricité joue un rôle majeur dans le coût de production d’un Bitcoin. Celui-ci est miné grâce à des machines spécifiques appelées ASIC, qui réalisent des calculs informatiques complexes.
Source: https://www.numerama.com/tech/1730506-comment-font-les-mineurs-de-bitcoins-pour-etre-rentables-malgre-le-halving.html
Source: https://river.com/learn/what-is-a-bitcoin-halving/
En parallèle, la difficulté de minage est ajustée environ toutes les deux semaines pour maintenir un temps de bloc moyen de 10 minutes. Cette complexité croissante signale une concurrence accrue entre mineurs, signe d’une industrie qui se professionnalise et attire toujours plus de capitaux.
L’héritage de l’administration Biden : un cadre réglementaire contesté
Avant l’arrivée de Donald Trump, Joe Biden avait instauré plusieurs mesures visant à mieux contrôler le secteur :
- Décret sur les Actifs Numériques (mars 2022) : se focalise sur la protection des consommateurs et la stabilité financière.
- Bulletin Comptable SAB 121 (mars 2022) : imposant aux institutions de comptabiliser les cryptos des clients comme des passifs.
- Veto présidentiel en mai 2024 : pour maintenir cette obligation comptable, malgré la contestation du Congrès.
- Opposition à la Loi FIT21 : Biden et Gary Gensler (SEC) craignaient qu’elle ne réduise le pouvoir de la SEC sur les actifs numériques.
Si ces démarches ont freiné certains projets, elles n’ont pas enrayé la hausse du nombre d’utilisateurs et l’intérêt pour le Bitcoin. L’arrivée de Trump et sa vision plus « crypto-friendly » pourraient changer la donne, tant au niveau de la régulation que de l’innovation.
La “Strategic Bitcoin Reserve” : une idée inspirée de MicroStrategy
Afin de soutenir le Bitcoin, Donald Trump évoque la possibilité de créer une réserve stratégique en stoppant la revente des BTC saisis (environ 200 000 BTC) et en lançant le “Bitcoin Act”, un projet de loi porté par la sénatrice Cynthia Lummis pour acquérir jusqu’à 1 million de BTC en cinq ans. Cette initiative s’inscrit dans une démarche similaire à celle de l’entreprise MicroStrategy :
- 444 262 BTC détenus par la société au 22 décembre 2024, pour un coût total d’environ 27,7 milliards de dollars.
- Prix moyen d’acquisition : 62 257 $ par BTC.
- Rendement : Avec un BTC au-dessus de 100 000 $, la plus-value potentielle est colossalement supérieure à l’investissement initial. Soit pres de 16,73 milliards de dollars. Pour une valorisation actuelle de 44,43 milliards de dollars.
Source: https://news.bit2me.com/en/Bhutan-5th-largest-bitcoin-holder
Le gouvernement pourrait ainsi se doter d’un « actif-réserve » pour se protéger de l’inflation et renforcer sa souveraineté économique. Il ne reste plus qu’à savoir comment sera gérée la volatilité, qui demeure un risque majeur pour les finances publiques.
Le Salvador : quand un État fait du BTC une monnaie légale
En septembre 2021, le Salvador s’est illustré en devenant le premier pays à adopter officiellement le Bitcoin comme monnaie légale, aux côtés du dollar américain. Porté par la volonté du président Nayib Bukele, ce choix audacieux visait à stimuler la croissance économique, favoriser l’inclusion financière et attirer les investisseurs étrangers. Pour encourager la population à utiliser la cryptomonnaie, le gouvernement a lancé le portefeuille numérique “Chivo” et offert 30 $ en BTC à chaque citoyen.
A Bitcoin ATM in San Salvador in 2021
Photo: Marvin Recinos/AFP via Getty Images
Malgré ces incitations, l’usage du Bitcoin est resté très limité. Une enquête réalisée en 2024 révèle que 92 % des Salvadoriens continuent de préférer le dollar américain dans leurs transactions quotidiennes, invoquant la volatilité du Bitcoin et un manque de confiance dans cette technologie.
Parallèlement, le Salvador fait face à des défis économiques qui l’ont poussé à solliciter un prêt de 1,4 milliard de dollars auprès du Fonds monétaire international (FMI). L’organisme international s’est toutefois montré réticent, estimant que l’utilisation du Bitcoin comme monnaie légale comportait des risques pour la stabilité monétaire et la transparence financière. Afin de répondre aux exigences du FMI, le gouvernement salvadorien a revu sa politique : l’adoption du Bitcoin est désormais facultative pour les commerçants, le règlement des impôts et taxes en BTC a été abrogé, et l’État envisage de réduire considérablement son rôle dans le portefeuille “Chivo”.
Le cas salvadorien illustre la difficulté d’intégrer le Bitcoin au cœur d’un système financier national, notamment pour un pays dépendant du soutien financier d’organismes comme le FMI.
L’Europe et le règlement MiCA : un cadre plus strict
Pendant que les États-Unis semblent s’orienter vers un allègement de la pression réglementaire sous l’impulsion de l’administration Trump, l’Union Européenne adopte une voie nettement plus encadrée grâce à MiCA (Markets in Crypto-Assets). Entré en vigueur fin décembre 2024, ce règlement marque un tournant majeur dans la régulation des cryptomonnaies au sein des Vingt-Sept.
Principaux piliers de MiCA :
- Autorisation et Enregistrement : les prestataires de services sur crypto-actifs (PSCA) doivent désormais obtenir une autorisation pour opérer dans l’UE, afin de garantir leur fiabilité et leur conformité aux normes communautaires.
- Exigences en Capital : les entreprises du secteur doivent respecter des seuils de capitaux propres plus élevés, censés couvrir les risques liés à la forte volatilité des crypto-actifs.
- Transparence Renforcée : MiCA impose de strictes obligations d’information envers les consommateurs, notamment sur les risques associés et les caractéristiques techniques des jetons émis ou négociés.
- Lutte contre le Blanchiment d’Argent : le règlement durcit les règles de traçabilité et de déclaration des transactions, un point crucial pour assurer la légitimité et la sécurité du secteur.
Si l’objectif premier de la Commission européenne est de protéger les utilisateurs et d’assurer la stabilité financière, ce cadre très réglementé suscite déjà des critiques. Pour certains acteurs, les coûts de mise en conformité risquent de freiner l’innovation et de pousser les entreprises crypto à chercher refuge dans des juridictions plus souples, comme les États-Unis. Cet “exode réglementaire” pourrait s’accentuer si l’administration Trump concrétise ses promesses de politiques pro-crypto, faisant ainsi des États-Unis un pôle d’attraction pour les start-up et les investisseurs du secteur.
Enjeux environnementaux et coûts de production
Malgré ses qualités, le Bitcoin reste critiqué pour sa consommation énergétique :
- 133,68 TWh par an, soit la consommation d’un pays comme la Norvège,
- Coût de production moyen d’un BTC : environ 49 500 $ au deuxième trimestre 2024 (matériel et électricité),
- Empreinte carbone : près de 168,9 millions de tonnes de CO₂ émises annuellement.
Pour que l’industrie gagne en acceptation, l’utilisation d’énergies renouvelables et des innovations techniques limitant la consommation sont de plus en plus mises en avant. L’administration Trump, si elle encourage le minage, devra nécessairement tenir compte de ces problématiques pour ne pas heurter une opinion publique sensible aux questions environnementales.
Conclusion
En l’espace de quelques semaines, l’élection de Donald Trump a redynamisé le marché du Bitcoin, l’amenant à dépasser la barre symbolique des 100 000 $. Les perspectives d’une « Strategic Bitcoin Reserve », de nominations pro-crypto et de politiques plus souples augurent d’un tournant majeur pour les États-Unis, qui pourraient devenir un pôle d’attraction pour les acteurs du secteur.
Pour autant, des défis subsistent : la volatilité du BTC, les préoccupations environnementales liées au minage, la nécessité de se conformer aux exigences internationales (notamment face au FMI pour des pays en développement) et la concurrence d’autres marchés comme l’Union Européenne, soumise à MiCA. L’exemple salvadorien montre également que l’adoption du Bitcoin comme monnaie légale n’est pas sans risque, surtout lorsqu’un pays reste dépendant d’un soutien financier extérieur.
Quoi qu’il en soit, le Bitcoin a prouvé sa capacité à mobiliser l’attention des gouvernements, des institutions financières et d’une base grandissante d’utilisateurs (plus de 580 millions à l’échelle mondiale). Il ne reste plus qu’à savoir si la nouvelle dynamique impulsée par Donald Trump se traduira par une révolution durable de la politique monétaire et par un engagement pérenne des États-Unis dans le secteur crypto. L’avenir de la monnaie numérique en dépend peut-être plus que jamais.
Réalisé par Clément ABRAHAM
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