Alors que les marchés ont initié une forte correction depuis quelques semaines, les investisseurs cherchent légitimement des drivers qui pourraient influencer l’évolution des choses. L’été est souvent connu pour les baisses de volumes, la plupart des intervenants étant en effet en vacances. Cependant, les marchés, eux, ne dorment jamais. Et l’une des craintes envisageable aujourd’hui serait ne explosion des tensions géopolitiques, notamment avec le conflit du Moyen-Orient entre le Hezbollah (bras armé de l’Iran) et Israël.
Il est de plus en plus difficile de faire le lien entre ce genre de contexte et l’impact réel sur la Bourse qui est devenue de plus en plus résiliente. Mais nous allons aborder ici un ensemble de facteurs qui pourraient impacter ou être impactés dans ce contexte-là.
Dans un premier temps, et le plus logiquement, les marchés financiers détestant l’incertitude, des tensions géopolitiques peuvent provoquer des fluctuations importantes des prix des actifs financiers, entraînant de facto une volatilité accrue, et donc une ébullition de du VIX, surnommé « indice de la peur ». Ce-dernier est d’ailleurs récemment monté à des niveaux quasiment non atteints depuis la crise du Covid, alors que rien n’est encore acté.
Du côté des indices et actions
Ayant souvent des réflexes systémiques, les investisseurs peuvent vendre des actions en masse, craignant les impacts négatifs sur les entreprises et l’économie globale et préférant alors ne pas tenter le diable : lorsqu’une crise démarre en effet, on ne sait jamais jusqu’où elle peut aller. D’un point de vue plus sectoriel, la plupart des secteurs peuvent être touchés, particulièrement par exemple le tourisme, les compagnies aériennes, l’industrie en fonction de son cœur d’activité, etc. En revanche, le secteur de la défense peut, selon les cas, en tirer profit, comme ce fut le cas en France de l’action Thales qui avait littéralement explosé lors de l’attaque de la Russie sur l’Ukraine.
Couverture en se dirigeant vers les « valeurs refuges »
En période de crise, les investisseurs cherchent naturellement à se réfugier et se tourner vers des actifs plus sûrs ayant donc la réputation de profiter également de ce genre de tensions.
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Le Gold, valeur refuge principale
Cependant, s’impose ici une réflexion. On associe en effet un peu trop facilement les variations du Gold en décorrélation avec les indices. Or, même si ce principe peut s’avérer dans de nombreuses phases de marché, il peut arrive que les deux actifs aillent dans le même sens, et ce durant de longues phases également.
Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous détaillé, on peut observer les points suivants non négligeables à mon sens :
– La phase I (jan 1980 – sep 2000) durant laquelle le S&P (pour symboliser les indices en général) montait en flèche, tandis que le Gold était dans une phase de consolidation plane.
– La phase II (sep 2000 – sep 2011) durant laquelle le Gold a explosé, tandis que les indices marquaient une zone de consolidation plane à leur tour.
– La phase III (sep 2011 à février 2024 ?) durant laquelle les indices sont à nouveau entrés dans une hausse tandis que le Gold restait dans une phase de consolidation plane, avant de réussir, après 4 tentatives, à s’affranchir de son fameux seuil de résistance majeure situé autour des 2.050 dollars.
La question est donc de savoir si, depuis cette cassure, nous serions passés en phase IV ? Il est encore bien trop tôt pour le savoir.
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Les obligations d’État
nt émises par les gouvernements, qui ont le pouvoir de lever des impôts et, dans certains cas, d’imprimer de la monnaie. Cette capacité à générer des revenus donne une assurance élevée que l’État sera en mesure de rembourser ses dettes, même en période de crise économique.
Par ailleurs, dans un tel contexte d’incertitude, les investisseurs cherchent à protéger leur capital. Les marchés actions et autres actifs risqués peuvent connaître de fortes baisses, tandis que les Obligations d’État sont perçues comme une valeur refuge. Cette dynamique pousse les investisseurs à vendre des actifs plus risqués pour acheter des obligations, ce qui a tendance à faire baisser les taux d’intérêt sur ces obligations (et augmenter leur prix).
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Le franc suisse et le yen japonais
La Suisse et le Japon sont des pays avec des économies stables et bien développées, ainsi qu’une politique stable. Cette stabilité crée un environnement favorable pour les investisseurs, qui voient ces devises comme un moyen de préserver leur capital en période d’incertitude.
Ces pays ont historiquement maintenu des taux d’inflation bas, ce qui signifie que la valeur de leur monnaie reste relativement stable au fil du temps. En période de crise, où les investisseurs craignent la dévaluation d’autres devises, la stabilité des prix en Suisse et au Japon est particulièrement attrayante.
La Suisse et le Japon ont des excédents commerciaux significatifs et de grandes réserves de change, ce qui renforce la confiance dans leur capacité à maintenir la stabilité de leur monnaie. Ces pays sont donc moins vulnérables aux chocs extérieurs qui pourraient affecter d’autres devises. Aussi, le système bancaire suisse est connu pour sa solidité, sa confidentialité et sa prudence, ce qui attire les investisseurs cherchant à protéger leur capital. De même, le Japon a un marché financier très développé, avec une forte liquidité et une réglementation prudente.
Enfin, la Banque nationale suisse (BNS) et la Banque du Japon (BoJ) ont souvent des politiques monétaires relativement conservatrices, ce qui contribue à la stabilité de leurs devises. Même si le Japon a mené des politiques monétaires non conventionnelles ces dernières années, le yen reste perçu comme une monnaie stable en raison de la gestion prudente des risques par la BoJ.
Impact sur les devises
Les tensions géopolitiques peuvent provoquer des mouvements significatifs des devises. Les devises des pays directement impliqués peuvent se déprécier, tandis que les devises refuges peuvent s’apprécier comme vu ci-dessus.
Une crise géopolitique peut directement affecter les économies des pays impliqués. Par exemple, une guerre ou des sanctions économiques peuvent perturber les échanges commerciaux, réduire les investissements étrangers, et nuire à la confiance des investisseurs. Ces effets économiques négatifs peuvent entraîner une dévaluation de la monnaie des pays concernés. Aussi, les investisseurs internationaux peuvent retirer leurs capitaux des pays jugés risqués, ce qui peut provoquer une dépréciation de la monnaie locale. À l’inverse, des flux de capitaux peuvent se diriger vers des pays jugés plus stables, renforçant la valeur de leur devise.
En réponse à une crise géopolitique, une banque centrale peut intervenir pour stabiliser sa monnaie. Cela peut inclure des mesures telles que l’augmentation des taux d’intérêt pour attirer les investisseurs étrangers ou l’achat direct de la monnaie sur les marchés pour soutenir son cours. De telles interventions peuvent influencer la valeur de la devise concernée.
Enfin, ce genre de situation délicate peut également avoir des effets indirects sur les devises d’autres pays, en particulier ceux qui sont économiquement ou politiquement liés à la région en crise. Ainsi, la déstabilisation actuelle au Moyen-Orient pourrait affecter les devises de pays européens en raison des liens économiques et migratoires.
Choc sur les matières premières
Les tensions géopolitiques, notamment dans les régions riches en ressources naturelles (comme le Moyen-Orient pour le pétrole et c’est le cas actuellement), peuvent provoquer des fluctuations importantes dans les prix des matières premières. Les devises des pays exportateurs de matières premières (comme le rouble russe ou le dollar canadien) peuvent être fortement influencées par ces variations de prix.
Les conflits armés, les sanctions, et les tensions diplomatiques peuvent perturber l’extraction, la production, et le transport des matières premières. Par exemple, un conflit dans une région riche en pétrole, comme le Moyen-Orient, peut entraîner une réduction de l’offre mondiale de pétrole, provoquant une hausse des prix. Ces interruptions peuvent également concerner d’autres matières premières comme le gaz naturel, les métaux précieux, ou les produits agricoles.
Même sans interruption physique de l’approvisionnement, l’incertitude liée à une crise géopolitique peut suffire à faire monter les prix des matières premières. Les investisseurs anticipent souvent des pénuries futures, ce qui peut provoquer des mouvements spéculatifs sur les marchés. Par exemple, des tensions entre grands producteurs de pétrole peuvent déclencher des achats spéculatifs de brut, augmentant ainsi les prix.
Les sanctions imposées à des pays producteurs de matières premières peuvent limiter leur capacité à exporter, réduisant l’offre sur le marché mondial et augmentant les prix. Par exemple, les sanctions contre l’Iran ou la Russie ont historiquement affecté les marchés du pétrole et du gaz naturel, en réduisant l’offre disponible et en perturbant les chaînes d’approvisionnement.
Les crises géopolitiques peuvent également augmenter les coûts de production des matières premières. Les coûts de transport peuvent augmenter en raison de la fermeture de routes commerciales ou de l’instabilité dans des zones critiques comme le détroit d’Ormuz pour le pétrole. De plus, les coûts de sécurité pour les entreprises opérant dans des zones de conflit peuvent augmenter, ce qui se répercute sur le prix final des matières premières.
Un choc sur une matière première peut avoir des effets en chaîne sur d’autres marchés. Par exemple, une hausse du prix du pétrole augmente les coûts de production et de transport pour de nombreuses industries, ce qui peut se répercuter sur les prix des produits agricoles, des métaux, et d’autres biens. De plus, la hausse des prix des matières premières peut accentuer les pressions inflationnistes dans l’économie mondiale.
Enfin, les marchés financiers réagissent souvent de manière exacerbée aux chocs sur les matières premières. Par exemple, une forte hausse des prix du pétrole peut entraîner des baisses sur les marchés boursiers, car les investisseurs craignent que les coûts énergétiques plus élevés nuisent à la croissance économique mondiale. Les devises des pays exportateurs de matières premières peuvent également s’apprécier en réponse à des prix plus élevés, tandis que celles des importateurs peuvent se déprécier.
Intervention des banques centrales
Les banques centrales peuvent réagir à une crise géopolitique par des politiques monétaires plus accommodantes (comme la baisse des taux d’intérêt) pour stabiliser l’économie, ce qui peut avoir des effets divers sur les marchés financiers.
Par ailleurs, et on a pu le constater à de nombreuses reprises ces dernières années, le déploiement des QE (Quantitative Easing, soit injection de liquidité dans le marché) à répétition pour endiguer les crises permet paradoxalement aux marchés de tenir, sans pour autant soutenir l’économie globale. Cette façon de faire n’est donc pas la plus saine.
Parmi les autres moyens que les banques centrales peuvent mettre en place lors de crise géopolitique on trouve, pêle-mêle, l’ajustement des taux d’intérêt pour maintenir la stabilité financière et soutenir la confiance des investisseurs ; l’intervention pour stabiliser leur devise en cas de volatilité excessive ; la coopération avec d’autres banques centrales pour des actions concertées visant à stabiliser les marchés financiers mondiaux ou enfin, mettre en place une communication de manière transparente et proactive pour apaiser les inquiétudes des marchés et du public.
Impact psychologique sur les investisseurs
Les investisseurs peuvent percevoir une augmentation du risque global lorsque des tensions géopolitiques surviennent. Cela peut les inciter à réévaluer leur tolérance au risque et à adopter des stratégies plus conservatrices, comme se tourner vers des actifs considérés comme plus sûrs (valeurs refuges, voir plus haut).
En même temps, on constate une volatilité accrue, entraînant des fluctuations rapides et parfois imprévisibles des prix des actifs. Cette volatilité peut intensifier l’anxiété des investisseurs et influencer leurs décisions de trading. Elle sera mesurée par le VIX, surnommé « l’indice de la peur ». Il en découle que les crises géopolitique, surtout si elles sont dramatiques ou inattendues, peuvent susciter des réactions émotionnelles chez les investisseurs, telles que la peur, l’incertitude ou la panique. Ces émotions peuvent conduire à des comportements impulsifs et irrationnels sur les marchés financiers.
La confiance des investisseurs étant essentielle pour le bon fonctionnement des marchés financiers. Une crise géopolitique peut ébranler cette confiance, en particulier si elle met en lumière des fragilités ou des vulnérabilités économiques qui n’étaient pas clairement perçues auparavant. Une crise géopolitique dans une région peut avoir un effet de contagion sur d’autres marchés et régions, amplifiant ainsi l’incertitude et la volatilité à l’échelle mondiale. Cela peut conduire à des ajustements synchronisés des portefeuilles par les investisseurs internationaux.
Conclusion
Les explosions géopolitiques créent un environnement de grande incertitude et de volatilité pour les marchés financiers, avec des impacts potentiellement négatifs sur les actions, les devises, les matières premières, et la stabilité économique globale. Les investisseurs doivent rester vigilants et diversifier leurs portefeuilles pour atténuer ces risques.
Réalisé par Marc Dagher